Hier vendredi 17, était une journée de grève en Italie, grève de la fonction publique (évidemment ?). Ils faisaient grève pour le non renouvellement de plusieurs milliers de postes, principalement dans la recherche et l'éducation. La situation est un peu plus compliquée à expliquer en détails. En effet, en Italie et dans la fonction publique, il y a beaucoup de contrats précaires de 6 mois à 1 an qui étaient renouvelés jusqu'alors. Or le gouvernement précédent a fait voté une loi interdisant d'aller au delà de 3 ans de contrat précaire dans la même institution mais en forçant ses mêmes institutions (sous certaines conditions) de stabiliser les personnes en leur donnant dans un premier temps un CDD de 5 ans puis un CDI. Le gouvernement actuel a décidé de geler ses stabilisations, sans pour autant annuler la loi interdisant d'avoir plus de 3 ans de contrat précaire. Du coup ces personnes concernées vont se retrouver sans travail. Evidemment le gouvernement actuel se défend de cette situation en disant que ce n'est pas la réalité. Soi-disant des concours publics seront organisés majoritairement à l'intention des "précaires", pour que la stabilisation soit évaluée sur la compétence des gens et pas seulement sur l'ancienneté. Je vous laisse juge de la situation, mais comme toujours dans ces cas là , il est difficile de se faire une idée tranchée...
A charge des "précaires", on peut noter qu'aucun ne voit pas plus loin que la fonction publique. Pour eux le privé n'existe pas... vous comprenez s'ils ne sont plus embauchés dans la fonction publique, ils sont condamnés à ne pas avoir de travail... Je trouve ça désolant comme façon de penser. Je comprends que dans l'Italie du sud, le constat n'est pas loin d'être vrai mais en Italie du Nord, ils ont une manque de main d'oeuvre dans certains secteurs.
L'autre actualité du moment est la suite du roman Alitalia. Pour rappel, pendant les élections, Berlusconi avait torpillé la proposition de reprise d'Air France en disant qu'il avait contacté plusieurs entrepreneurs italiens qui étaient d'accord pour s'associer et reprendre la compagnie. Après quelques longues semaines d'attente, ce groupement d'entrepreneurs italiens s'est créé et fait connaître (sous le nom de CAI). On passera sur le fait que la banque censée conseiller le gouvernement sur la vente et la solvabilité de l'acquéreur, était elle-même à l'intérieur de ce groupement... Le gouvernement Berlusconi était tout de même aux anges en se disant qu'il tenait une première victoire politique. C'était sans compter les syndicats d'Alitalia qui refusait les conditions de reprise et surtout les nouvelles conditions contractuelles. Je passerais sur les pseudo abandons des tractations de la CAI, les divers ultimatums et les différentes difficultés. Finalement, le jour où Alitalia aurait pu perdre sa licence de vol et était plus ou moins en train de racler les fonds de tiroir pour payer kérosène et autres, un accord avait été trouvé entre la CAI et les syndicats. Formidable ! Tout le monde était content et se félicitait de cet accord obtenu début septembre. Le week end dernier, on a cependant appris que rien n'était réglé, rien n'a été signé, rien n'a été payé... du coup, je me pose une question : qui paye le kérosène actuellement ??
Commentaires
Ciao,
J'ajoute un commentaire sur les précaires de la recherche italienne car je trouve ta critique un peu trop simplifiée. D'abord je me présente, je suis Muriel, j'ai fait connaissance de votre blog en passant par celui de Juliette que j'ai déjà contactée quelques fois. Je suis française et je travaille en Italie. Je fait partie des précaires de la recherche avec mon mari (italien). Dans notre domaine, plantes - biologie moléculaire, je pense qu'il n'y a que le public qui peut malheureusement nous offrir un travail dans le domaine car je ne connais pas d'entreprise privée qui investisse dans la recherche en Italie (elles sont en France ou en Angleterre). Peut-être qu'il y en a quelques unes mais elles ne pourront certes pas accueillir tous les précaires de le recherche. Alors d'après moi, pour aller travailler dans le privée, il faut renoncer à sa formation initiale et recommencer une autre vie. Après par exemple 10-15 ans dans la recherche, et plus de 40 ans d'age (situation de beaucoup de précaires), je pense que c'est vraiment pas facile de recommencer tout, surtout si c'est pour laisser une activité qui plait et qui a demandé de nombreux sacrifices et un grand investissement personnel (souvent post-doc à l'étranger). Donc d'après moi beaucoup de précaires reste dans cette situation en espérant une opportunité de stabilisation jusqu'au moment où effectivement il n'y a plus de contrat. Il y a aussi qu'après 8 a 10 ans d'études universitaires plus une expérience de chercheur c'est pas évident d'accepter un travail de main d'œuvre à moins de ne pas avoir d'autres solutions...
Bonjour à Laurent et à tous les lecteurs francophones,
D’abord je me présente. Je m'appelle Isacco et je suis le mari de Muriel, qui a écrit le post précédent. Moi aussi j'ai quelques commentaires à ajouter sur la question des précaires de la recherche en Italie. J'en fais partie depuis longtemps et mon expérience professionnelle comprend 3 ans de doctorats en France (INRA). C'est pour ça que je trouve utiles ajouter quelques infos sur la situation italienne comparées à la française, pour mieux comprendre et juger.
Il est vrai que beaucoup de chercheurs précaires italiens, voit difficilement au delà de la fonction publique comme possibilité d'emploi. Il y a toutefois des particularités de la situation italienne qu'il faut considérer pour bien juger.
Le recrutement dans la recherche publique.
Sur ce point il y aurait beaucoup à dire, mais un aspect important pour qui cherche un avenir professionnel dans la recherche est le manque de programmation pour le recrutement. Il n'y a pas une planification de la politique de la recherche. Les différents gouvernements qui se succèdent se limitent à réduire les ressources économiques destiné au secteur, sans parler d’objectifs et stratégies (voir le commentaire dans le volume 455 de la revue "Nature"). Les départs à la retraite ne sont pas toujours récupérés pour des nouveaux postes. Les concours sont souvent bloqués pour bouchonner temporairement les dépenses de l'état et même les concours déjà ouverts peuvent être bloqué en sorte que le vainqueur doit attendre beaucoup de temps pour avoir son contrat.
Emploi dans le privé.
Le secteur privé recrute très peu de docteurs de recherche avec le niveau approprié. Cela est vrai pour le secteur de la biologie. Pour l'information technology la situation est meilleure. Comme tradition culturelle, l'Italie investi très peu dans la recherche et les entreprises italienne ne vont pas beaucoup contre-courant. Le multinationales qui ont des sièges en Italie, garde le développement et recherche dans des pays plus fertiles, comme France, Suisse, ou Angleterre. Contrairement à la France, en Italie on ne se dérange pas de proposer un contrat pour un niveau bac à quelqu’un qui a un doctorat. Cela peut même représenter un avantage pour qui a vraiment besoin de travail, car on parle presque pas de candidats surdiplômés.
Les contrats de travail en Italie.
Sur ce point je dois malheureusement dire que l'Italie est socialement bien derrière la France. Depuis les années '70 Les syndicats se sont bien appliqués à négocier de justes conditions de travail pour les contrat ordinaires, mais il n'ont rien fait pour empêcher une prolifération recente de contrats "atypiques" (on les appelle comme ça) qui font dérogation à toutes les garanties qui devrait avoir un travailleur. Par exemples la plus part de chercheurs précaires italiens ont un contrat qui s'appelle "assegno di ricerca" (bourse de recherche en français) dans le quel la période de maternité et à l'assistance sanitaire pour maladie ne sont pas considérés. Les jours de vacances et congés ne sont pas considérés non plus mais, au contraire, il est bien spécifié un minimum de 35 heures de travail hebdomadaires. Dans les entreprises privé souvent les diplômes universitaires, au lieux d'être embauché comme emploies, se voient proposer de contrats de collaborations professionnelles, avec de conditions très proches de celles de bourses de recherche, même si le montant est en libre négociation.
Voila, il y aurait beaucoup d'autres choses à dire quand on compare la France à l'Italie, mais ce 3 points me semblent intéressant pour analyser la situation de l'emploi précaire en Italie. Je pense que certains aspects ne font que renforcer l’idée que les précaires italiens sont un peu figés mentalement, mais pour les comprendre et pas seulement critiquer il faut aussi considerer le contexte général du travail intellectuel en Italie.
Isacco
Merci pour cette longue explication et ces compléments d'information.
C'est vrai que je n'avais que résumer les choses dans mon billet. D'autre part je ne connais pas aussi bien la situation italienne que vous, évidemment. Je comprends totalement les raisons pour lesquelles on veuille rester dans la fonction publique et surtout rester dans le recherche plutot que de faire un travail peu en rapport avec ses compétences. Néanmoins, je souhaitais souligner les effets très négatifs que peut avoir un discours du type : "si je ne peux plus travailler dans la recherche, l'unique autre possibilité est d'être enseignant."... sans ne mentionner le secteur privé, en y soulignant ces limites par exemple : "dans le secteur privé, je ne pourrais travailler dans un département de R&D car les entreprises italiennes investissent très peu, ......".
D'autre part, je serais presque prêt à faire le même constat pour les fonctionnaires en France (à savoir qu'ils ne voient pas autre chose que la fonction publique comme possibilité).
Maintenant je suis d'accord ! Il faut aussi dire que pour les italiens comme pour les français c'est dure de renoncer à la sécurité de l'emploi (ou plutôt à l'espoir de sécurité d'emploi!) que représente la fonction publique.
Ma réaction est venue aussi parce que depuis que je suis ici (fin 2003), la situation et les perspectives d'emplois stable dans notre domaine n'ont jamais été aussi noire.
Va falloir qu'on change de boulot !!! ;-))
Bonne continuation