Pour commencer et pour éviter que qui que ce soit saute au plafond et s'énerve sur les commentaires, ce billet ne se veut pas être la vérité absolue mais juste notre ressenti par rapport aux expériences que nous avons eu au cours de notre voyage. Avant d'arriver en Australie, le sujet des Aborigènes nous semblait assez simple à l'heure actuelle et que la cohabitation se passait bien. Certes on partait de loin car à leur arrivée, les colons blancs n'ont pas été respectueux des peuples qui habitaient cette terre depuis des milliers d'années. D'autre part, la nationalité Australienne n'a été accordée aux Aborigènes qu'en 1967 et la reconnaissance des erreurs du passé, notamment celle des générations volées, est arrivée bien tard (voir film Australia, où dans les années 1940 les enfants Aborigènes étaient enlevées et mis dans des familles blanches pour les "éduquer correctement", selon la pensée de l'époque).

Mais ce que nous avons vu en voyageant est sensiblement différent. Le plus triste est que les Aborigènes vivent dans des ghettos ou plutôt des communautés comme on dit en Australie... Comme par exemple à Coober Pedy où le guide nous montrait les maisons un peu à l'écart de la communauté locale. Pour qu'un blanc puisse y entrer il faut qu'il obtienne un permis et c'est comme ça pour un grand nombre de communauté ou même lorsqu'on emprunte certaines routes. Par contre on ne sait pas si ce permis est simple à obtenir et quel est le sentiment des Aborigènes lorsqu'un blanc vient dans leur communauté. Il est vrai qu'à l'origine ce sont les blancs qui les ont regroupé dans ces communautés en interdisant un blanc d'y aller. Mais nous pensions qu'au 21e siècle, il y avait un peu plus de mixage. C'est triste de penser que blancs et aborigènes vivent dans un même pays mais vivent chacun dans leur coin et de façon assez marquée.

Malheureusement tout n'est pas rose non plus du côté des Aborigènes. Quelle déception de constater que les problèmes d'alcoolisme et de drogue sont courants et assez visibles. Il est vrai qu'à cause d'une discrimination encore importante ils n'ont pas accès aux emplois, mais est-ce une raison suffisante ? D'un autre côté, une majorité quitte l'école avant 16 ans et ne peuvent ainsi pas avoir accès aux emplois qualifiés. Une autre majorité (?) visible ne donne pas envie de s'approcher d'eux car ils parlent fort, se regroupent dans les lieux publics, se lavent peu et marchent pieds nus. Nous avons malheureusement vu le manager d'un musée/hôtel passer un bon coup de spray désodorisant juste après le passage d'un groupe d'Aborigènes dans ses couloirs. On ne peut pas vraiment dire que ce n'était pas nécessaire :-( A Alice Springs, c'est le plus flagrant. C'est la "capitale" des Aborigènes et ils y sont en majorité. On ne se sent tout de même pas en danger, mais c'est l'unique ville Australienne pour laquelle le Lonely Planet recommande de rentrer en taxi la nuit.

Dans le centre rouge (Uluru, Alice Springs), les structures d'hébergement donnent un coupon à leurs clients pour pouvoir acheter de l'alcool, afin de lutter contre l'alcoolisme des locaux. D'autre part, dans les stations services, on ne trouve pas d'essence sans plomb dérivée du pétrole car les Aborigènes s'en servaient pour se shooter avec les effluves. Du coup on trouve du sans plomb dérivé d'opale garantié sans odeur. La conséquence de ce dernier dispositif est que nous avons vu par 3 fois des Aborigènes simulant une panne d'essence dans l'espoir de tomber sur des gens qui vont leur donner de l'essence sans plomb. Les brochures locales préviennent de ce genre de pratique et c'est pourquoi nous pouvons écrire "simuler". L'autre indice est qu'ils arrivent toujours à tomber en panne sous le seul arbre qui donne de l'ombre sur la route...

Arrivés avec plein de bons sentiments envers les Aborigènes, mais assez freinés par le comportement d'une majorité visible, nous avons eu néanmoins plusieurs bonnes expériences et rencontres avec ces peuples. En effet, il existe plusieurs dizaines de tribus Aborigènes différentes parlant des langues variées et ayant des coutumes et traditions diverses. A Adélaïde, nous avons visité Tandanya, un institut culturel aborigène tenu par les Aborigènes dans le but de promouvoir leur culture et de lutter contre le racisme. Nous avons pu approcher la culture Aborigène par la peinture (galeries d'art d'artistes locaux) et la musique traditionnelle (démonstration de didgeridoo). Pour la première fois, nous avons vu des tableaux contemporains exprimant des revendications, notamment celle d'avoir été envahi par les blancs. A Alice Springs, c'est le dîner spectacle aborigène qui nous a permis d'écouter et d'apprécier un groupe de 5 jeunes Aborigènes parler de leurs coutumes et faire une démonstration de danses rituelles. Certaines cérémonies sont tellement secrètes que seules les Aborigènes d'une même tribu en connaissent l'existence et la signification. Elles sont évidemment interdites à toute autre personne, même un Aborigène d'une autre partie de l'Australie. Enfin, notre premier contact "non organisé" avec les 1eres nations eut lieu lors de notre visite d'une galerie d'art dans une communauté Aborigène. Pas besoin de permis cette fois mais il est bien écrit de ne pas trop s'écarter de la galerie d'art... On ne peut pas dire que l'accueil fut chaleureux. Ils nous ont salué mais continuaient à peindre ou à vaquer à leurs occupations. C'est la gérante de la galerie, une blanche, qui s'occupe de nous et qui nous avoue que cette communauté ne saurait pas gérer cette galerie sans son aide car tous les Aborigènes ont quitté l'école vers 14 ans. Les autres services ou commerces de ce petit village Aborigène sont tous aussi gérés par des blancs.

Il est difficile de tirer des conclusions sur les Aborigènes et leur cohabitation avec les descendants des colons, surtout que nous avons eu que quelques expériences. Il y a clairement des Aborigènes qui sont très bien intégrés et qui font partager leur richesse culturelle aux autres. Il doit sûrement y avoir également des Aborigènes qui vivent encore traditionnellement en refusant tout ce qui vient des colons. Par contre le problème pourrait venir de ceux qui veulent un peu des deux : continuer à vivre comme s'ils étaient dans la brousse mais en plein milieu des villes pour profiter de certains avantages de cette modernité (voiture, supermarchés, ...).

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